Quelle dynamique de relance des PTCE ?
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Diagnostic et proposition pour relancer les PTCE du Labo de l’ESS
Pour une observation participative et partagée
Le MES, engagé depuis plusieurs années, dans l’accompagnement et l’analyse des PTCE de plusieurs natures d’activité, remarque que l’étude a été réalisée en un temps court de quelques mois dans un cadre de crise sanitaire limité au distanciel qui n’a pas permis un processus d’observation participative.
Bien que la population de PTCE enquêtée ne puisse être dite représentative (panel d’environ 25 PTCE) et que la consultation des acteur.rices et réseaux ait été contrainte, l’étude apporte une première photographie intéressante bien que partielle, qui pose des questions et doit conduire à sa prolongation à travers des formes d’observation plus larges dans un partenariat acteur-chercheur stabilisé.
Ainsi le MES souhaite une mise en discussion et une diffusion plus large et collective des résultats de l’étude ainsi qu’un état des lieux approfondi et partagé impliquant un diagnostic plus approfondi et participatif et une réflexion pour un dispositif de connaissance et de recherche-action plus stable et durable.
Pour renouveler le regard sur les coopérations dans les territoires
Le MES appelle à renouveler le regard sur les processus coopératifs d’économie sociale et solidaire dans les territoires afin de saisir leur complexité, leur diversité et leurs trajectoires qui s’inscrivent dans la durée et dans un “habité” du territoire. Le mouvement invite à ne pas normer trop rapidement les coopérations dans des cadres de dispositifs publics qui ne correspondent pas pleinement à des parcours d’acteur.rice.s ancrés dans des bassins de vie et des histoires territoriales qui associent différentes natures (filières, citoyennes, actions collectives, projets opérationnels, ...). Les processus coopératifs sont à appréhender dans leur capacité d’hybridation de différentes dimensions et à conter dans des récits qui mêlent différentes dimensions culturelles, économiques, sociales, etc.
La forte participation de la société civile dans toutes ses composantes est un des enjeux du développement des écosystèmes territoriaux coopératifs mais plus encore de leurs capacités à s’ancrer sur les territoires et à engager des effets transformateurs.
De fait, le MES ne se retrouve pas dans la proposition de dichotomie entre deux typologies de PTCE entrepreneuriaux et PTCE associatifs. Bien souvent, les PTCE englobent ces deux dimensions dans des activités et des modes de faire hybrides (structuration citoyenne, mutualisation de lieux et de moyens, activités non monétaires réciprocitaires, gouvernance collective, implication de parties prenantes, coconstruction avec les collectivités, transmission par les pairs…) comme il associe les dimensions démocratiques et économiques. Le risque serait de proposer des dispositifs de politique publique dissociant ces dimensions alors que l’objectif pourrait au contraire être de renforcer l’hybridation des PTCE.
De la même manière, le MES considère l’expression “zone blanche de l’ESS” inadaptée. En effet, l’économie sociale et solidaire se déploie partout en France (et dans le monde). Les 1,4 millions d’associations, les milliers de coopératives, mutuelles et sociétés à finalité sociale le démontrent chaque jour. Le Mes demande à remplacer cette expression par une mention caractérisant mieux la problématique, mal décrite. S’agit-il d’identifier des zones du territoire où les processus coopératifs sont moins soutenus par les pouvoirs publics ? Par exemple, les travaux du projet TRESSONS ont permis de souligner un déficit d’ingénierie dédiée aux projets de l’ESS et d’innovation sociale dans certains territoires ruraux. Au-delà d’identifier les faiblesses de dispositifs publics (tels le DLA, la formation professionnelle…) et d’un manque de soutien aux réseaux d’accompagnement sur certains territoires, il serait nécessaire d’identifier et de reconnaître également les capacités citoyennes d’accompagnement informelles ou formalisées. Dans ce cadre, le Mes juge l’initiative intéressante et demande à participer à la réflexion sur l’élaboration de cette catégorie (quels indicateurs ?) et de sa cartographie (quelle méthodologie ?).
En ce sens, le MES souhaite que soit approfondie la concertation autour de la lecture et de l’analyse de ces processus coopératifs dans le cadre d’un axe spécifique au sein d’ESS France et de la commission Innovation sociale ouverte à la coopération territoriale au sein du CSESS.
Nos Propositions
Ré-encastrer les PTCE dans une approche élargie de la coopération au service du du développement économique des territoires
Si les PTCE sont souvent une dynamique innovante en matière de coopération économique au service du développement des territoires, il est important de rappeler qu’ils jouxtent de fait d’autres formes de coopération économiques territoriales, antérieures ou émergentes. La coopération est plus un continuum subtil de processus socio-économiques infra et extra-territoriales, en réponse aux besoins sociétaux d’un territoire. En témoignent les travaux menés par les réseaux de développement local tels que l’Unadel, les Localos. Il s’agit de ré encastrer les PTCE dans une approche élargie de la coopération au service du développement économique et socio-économique des territoires. Pour cela, le monde de la recherche doit être associé et des moyens conséquents doivent permettre l’implication du monde universitaire sur le long terme. Plus encore, la société civile qui permet le renforcement des coopérations sociales et solidaires et leur ancrage pérenne sur les territoires doit être au cœur des dynamiques de coopération.
Créer un Groupe de travail national “Coopération et territoires”/ESS France
Nous pensons qu’un groupe de travail “Coopération et territoires” doit être instauré et porté au sein d’ESS France. ESS France peut garantir la mise en œuvre d’une stratégie nationale et veiller à faire avancer une dynamique ouverte sur le développement de la coopération dans les territoires, comme méthodologie pour répondre aux enjeux de transition et résilience :
• Etat de l’art, capitalisations, expérimentations, recherche,
• Analyse et évaluation de l’utilité sociale, de l’impact social et des bénéfices territoriaux des PTCE,
• Apport de la coopération en terme de résilience territoriale et transition
• Innovation citoyenne et sociale, nouvelles pratiques démocratiques
• Modèles d’organisation socio-économiques et économiques remarquables
• Analyse des besoins et Propositions en termes d’accompagnement et mise en visibilité.
Ce groupe de travail aura pour objet d’appuyer la mise en œuvre de politiques transversales inter ministérielles afin de soutenir les démarches de coopérations territoriales en territoires urbains et ruraux, garantissant une équité et une diversité des modalités de coopérations.
Il nous semble important que ce groupe puisse émettre des propositions dans le cadre d’une participation à la Commission Innovation sociale et coopération territoriale, du Conseil supérieur de l’ESS.
Impulser une animation nationale des PTCE
Concernant l’animation des PTCE, nous proposons de prendre appui sur les échanges antérieurs : la communauté des PTCE doit être majoritairement partie prenante (60%) et 40 % de partenaires associés afin de garantir un ancrage local dans l’instance d’animation nationale qui peut être constituée sous forme d’un Conseil national des PTCE. Il nous semble intéressant que cette communauté soit consultée de manière régulière par le Groupe de travail “Coopération et territoires” initié par ESS France, afin de permettre une remontée de leurs besoins auprès du Conseil Supérieur de l’ESS. La déclinaison régionale de ce conseil semble toutefois prématurée au regard de la structuration actuelle des PTCE.
Mettre en œuvre une logique continue d’appel à manifestation d’intérêt/ Etat
Nous préconisons une logique d’appel à manifestation d’intérêt continue, de manière à permettre aux territoires impliqués dans des démarches de coopérations d’accéder selon leur degré de maturation et afin de permettre une équité d’accès et plus encore l’instauration d’une politique publique durablement inscrite en cohérence avec les Contrats de Relance et de Transition Ecologique (https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/4508) signés auprès des intercommunalités dans le prolongement des CPER (contrats de plan État-région).
Engager des démarches de recherche-action
Le Mes soutient un processus de recherche-action approfondi au niveau national pour mieux éclairer les dynamiques propres aux PTCE et aux coopérations formelles comme informelles. Au delà, il est nécessaire de favoriser une capacité de recherche et développement de ces processus coopératifs, tant par des financements publics directs à travers des conventions si possibles pluri-annuelles auprès des PTCE en lien avec des acteur.rice.s de la recherche (université, laboratoire…), de financements de projets société civile-espace de recherche que de formes d’appui au CIFRE (prise en charge d’une part de la masse salariale restante du poste salarié) ou de crédits d’impôts. Rappelons que cette dernière mesure ne peut constituer l’unique réponse pour des structures souvent non lucratives.
Prendre en compte les PTCE de toutes les activités, en particulier culturelles et éducatives
Pour le Mes, les PTCE et plus largement les processus coopératifs concernent l’ensemble des activités présentes dans l’ESS. Il est à noter le manque de prise en compte de PTCE à dominante culturelle, socio-culturelle, d’éducation…qui sont pourtant dans ce contexte de crise sanitaire des dimensions essentielles de vivre-ensemble et d’investissement pour l’avenir et la jeunesse. Les PTCE à dominante culturelle ou éducative très présentes dans les premiers appels à projet sont minorés dans l’étude proposée alors que les processus coopératifs restent vivaces et nécessitent des soutiens plus appuyés.
Soutenir et financer les PTCE
En plus de l’appel continu à manifestation, et de financements par conventions pluriannuels d’objectifs, il serait nécessaire de renforcer les PTCE sur leur fonction d’animation de la coopération à travers le soutien aux postes salariés de la structure. L’étude montre que l’équipe salariée de cette cellule reste très modeste alors qu’elle témoigne de besoins en ressources humaines. C’est pourquoi une aide à l’emploi pour les PTCE et plus largement pour les processus coopératifs repérés doit pouvoir soutenir cette structuration. Le Mes propose un soutien par la prise en charge d’une part de la masse salariale à hauteur de 10 000 € par an et par poste sur 3 à 5 ans. Dans le contexte de crise que nous connaissons, cette mesure permettra de soutenir les emplois locaux. Il serait pertinent de permettre le cumul de cette aide à l’emploi avec l’aide pour l’emploi des jeunes de 25 ans et moins (jusque 4000 €/an) en cas de fonction intégrée au fonctionnement de PTCE (poste de communication, chargé de partenariat etc.). De plus comme indiqué ci-dessus, le Mes soutient une aide à l’emploi sur les postes CIFRE à hauteur de 10 000€.
Le Mes note par ailleurs qu’en plus d’inscrire les conventions pluriannuelles d’objectifs dans un cadre des services d’intérêt économique général (SIEG), peuvent être étudiées des cadres de SNIEG (services non économiques) et de SSIG (Les services sociaux d’intérêt général).
Le MES invite ainsi à offrir un cadre élargi permettant d’accompagner à long terme les dynamiques de coopération territoriales en France. La variété et la richesse de celles-ci sur l’ensemble des territoires sont la preuve de d’une capacité collective à faire face aux crises actuelles et à venir. La reconnaissance de ces dynamiques ne peut que renforcer un pays mobilisé autour de trois dimensions : la garantie des droits individuels et droits fondamentaux permettant l’accès équitable aux biens et services et le respect de la dignité et des libertés des personnes, conditions du lien social ; l’expression de l’intérêt général de la collectivité, la promotion des solidarités, de la cohésion économique, sociale et territoriale ; la prise en compte des enjeux climatiques et le développement économique et social à long terme dans une vision de transition et de résilience des territoires.
Le Conseil d’administration du Mouvement pour l’Economie Solidaire, Paris le 3 février 2021.
Contact et informations : Bruno Lasnier, délégué général du Mouvement : bruno.lasnier@le-mes.org